Religiosité et attitude à l’égard des sciences

 

Résumé en français de l’article Religiosity predicts negative attitudes towards science and lower levels of science literacy écrit par Jonathon McPhetres et Miron Zuckerman, publié en 2018 dans PLOS ONE.

 

Science versus religion : conflit localisé ou conflit général ?

Les sondages montrent qu’aux Etas-Unis une partie du grand public, et même des scientifiques, pensent que la science et la religion ne s’opposent pas. Pourtant, la recherche montre qu’en général les personnes religieuses ont moins de culture scientifique. Le conflit entre religion et science existe donc, mais quelle est son ampleur ?

La première hypothèse est que le conflit n’existe que pour les sujets où la science contredit les affirmations religieuses, comme l’origine de la Terre et l’origine des humains, et pour les sujets qui peuvent avoir des implications morales auxquelles s’opposent les religieux, comme la recherche sur les cellules souches.

Cependant, des recherches suggèrent que le conflit entre la science et la religion est plus général, du moins aux États-Unis. Par exemple, une plus grande religiosité est liée à des opinions moins favorables envers les innovations scientifiques et la nanotechnologie, et les gens religieux sont moins susceptibles de choisir une carrière scientifique. Les données d’enquête montrent également que les croyances religieuses sont en corrélation négative avec les consensus scientifiques sur un certain nombre de questions (vaccination, changement climatique, etc.), même lorsque ces questions ne remettent pas directement en question les revendications religieuses.

Vu sous cet angle, le conflit semble demander de choisir entre la science et la religion comme outil pour comprendre et expliquer le monde. Ainsi, l’hypothèse générale du conflit impliquerait que les religieux ont des attitudes plus négatives et moins de confiance envers la science comme source d’information.

Etudier l’impact des croyances et pratiques plutôt que celle de l’affiliation religieuse

Dans l’article résumé ici, McPhetres et Zuckerman (2018) ont tenté de mieux décrire ce phénomène en étudiant l’impact des croyances et pratiques religieuses – plutôt que de la simple affiliation religieuse – sur les connaissances scientifiques et l’attitude envers les sciences.

Contrairement aux études précédentes, ils ont cherché à déterminer si les éléments de religiosité, tels que la croyance en Dieu, la fréquentation de lieux de culte, la fréquence des prières, etc., contribuent de façon unique au rejet de la science, et non si certains groupes religieux en savent plus ou moins sur la science que d’autres.

Ils ont utilisé deux grands ensembles de données représentatifs à l’échelle nationale ainsi que deux ensembles de données originaux, en tenant compte d’un grand nombre de variables démographiques. Ces quatre études (N = 9 205) ont montré que la religiosité est associée de façon négative au niveau de connaissances scientifiques.

La religiosité minimiserait les connaissances scientifiques en entretenant une attitude négative envers les sciences

De plus, leurs résultats indiquent qu’un médiateur possible de la relation négative entre la religiosité et le savoir scientifique est l’attitude négative envers la science. Leur interprétation est la suivante : dans la mesure où la science est considérée comme moins intéressante, moins utile ou moins valide, il est moins probable qu’on s’y intéresse.

Le niveau d’éducation représentait une petite partie de la relation entre la religiosité et le savoir scientifique, ce qui donne à penser que la religiosité est associée à des niveaux inférieurs de culture scientifique résultant en partie d’une moindre éducation formelle.

Une des quatre études suggère également que ces attitudes négatives à l’égard de la science peuvent commencer tôt dans la vie lorsque l’on est exposé aux croyances religieuses de ses parents. En effet, cette étude a montré que la religiosité des parents et son rôle dans l’éducation de leurs enfants prédisaient, une vingtaine d’années plus tard, l’attitude de leurs enfants envers la science. Cette étude, en partie longitudinale, suggère un lien directionnel entre une religiosité plus élevée et des connaissances scientifiques moindres.

Défiance ou désintérêt pour les sciences et défi à relever

Ainsi, la religiosité semble associée à un moindre intérêt pour la science et à une croyance que la science est peu importante ; de telles attitudes sont liées à des niveaux un peu plus faibles de culture scientifique et à une confiance moindre dans les sources d’information scientifique. Suivant Evans, ces résultats suggèrent que, comme la religion offre sa propre voie vers la connaissance, les croyants pourraient être moins intéressés par ce que la science a à offrir.

Cependant, il existe d’autres voies menant de la religiosité à un moindre niveau de connaissances scientifiques. Par exemple, une étude a révélé que des stéréotypes sur la faible compétence scientifique des chrétiens peuvent les amener à sous-performer en sciences. Elsdon-Baker a suggéré que la prolifération de tels stéréotypes pourrait en fait « créer des créationnistes » en renforçant la croyance que les chrétiens n’ont pas leur place dans la science, favorisant ainsi l’identification aux croyances contre-scientifiques.

Au vu des résultats de l’article, le défi consiste à savoir comment accroître les connaissances scientifiques face à l’opposition religieuse. L’amélioration des connaissances et de la culture scientifiques permettra aux gens de prendre des décisions plus éclairées et fondées sur des données probantes au sujet des choix, des croyances et des activités, ainsi que des produits et services qu’ils utilisent ou évitent. Etant donné que la majorité de la population mondiale se définit encore comme religieuse, les auteurs pensent qu’il faudrait trouver un moyen pour les gens de conserver leurs croyances religieuses tout en ouvrant leur esprit à la science.

 

 

Audrey Bedel

2 commentaires sur « Religiosité et attitude à l’égard des sciences »

  •  » Un scientifique qui croit en Dieu est un schizophrène  » Jacques MONOD

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